Avant, j'étais une séductrice

Aujourd'hui je vais vous raconter une petite histoire.

Avant, j’étais une séductrice.

Mais attention, pas une séductrice genre « j'y peux rien si ils tombent tous à pieds », non, moi, j’étais une vraie séductrice, du genre qui sait très bien ce qu'elle fait.

 

Alors, je vous vois venir, avec vos « mais, ça vaaaaa, on séduit tous, y'a pas de mal à ça, arrête de culpabiliser. »

Alors, d'une, je culpabilise pas, juste, j’énonce des faits (et non, je ne me sens absolument pas attaquée pour R, tout va bien), et, de 2, même si, la plupart du temps, y'a pas mort d'homme, si, la séduction, c'est tout de même pas hyper honnête, il faut bien l'avouer.

  

Bon, vraiment, flemme d’étudier l’apparition historique de la séduction à mon avis, ça date de très, très loin mais je dirais quand même (sans aucune source fiable, bien entendu, mais je tente) que c'est sûrement apparu au début de la vie en communauté comme un mécanisme de défense dans le but d’être apprécié pour ne pas être buté, ou du moins, à minima, dans celui de forniquer.

 

Et donc, la séduction, que ce soit par une moue boudeuse, une phrase bien placée, un index savamment entortillé dans nos cheveux (ou plutôt le contraire d'ailleurs), ou encore un rire exagéré bah, en réalité, ce n'est rien d'autre que de la manipulation enjolivée.

 

Et moi, en tant que bonne flippée de tout, et en particulier, de ne pas être aimée, croyez-moi que j'ai, très tôt, compris comment ça fonctionnait. Et qu'il pas fallu beaucoup me prier pour je commence à l'utiliser.

 

Que ce soit dans les magasines, les livres ou à la télé, dès le plus jeune âge, je me suis passionnée pour toutes les techniques possibles et imaginables qui existaient. Je les notais bien précieusement, puis je me précipitais dans la rue pour les tester.

 

Dégager une fausse confiance en soi pour impressionner, utiliser un vocabulaire sexualisé, une démarche chaloupée, des yeux bien maquillés, un sourire franc pour rassurer, bloquer le regard pour captiver, poser une main pour réconforter, un bon mot pour rigoler, ou encore, se dévaloriser pour attirer la pitié (petite référence à la chronique précédente t'as vu), etc, etc... Mais le plus important : user encore et toujours de la flatterie pour envoûter.

 

Car, oui, la séduction, c'est aussi flatter l'autre pour qu'il se sente, à vos cotés, spécial, et qu'il soit, donc, accro à vous et à la sensation de bien-être que vous lui apportez. 

 

 

Alalalala, qu'estce que j’étais douée, alalala, qu'est-ce que ça a pu marcher.

 

Tellement, qu'à force, je ne savais même plus qui j’étais, ce que je ressentais ou ce que je pensais.

 

Et que j'ai donc, comme vous le pressentez, fini par craquer.

 

Et oui, parce que quand on passe 33 ans de sa vie à penser que la vie est un jeu que l'on doit gagner, bah, on est en mode survie, et le mode survie, ça consomme beaucoup trop d’énergie pour, qu'à un moment donné, la carapace elle finisse pas par exploser.

 

Et c'est là que j'ai remarqué, qu'en vérité, je ne savais pas ce qui me plaisait, ce que j'aimais, QUI j'aimais, si j'avais vraiment aimé, ou même, si j'avais un jour été vraie.

 

Avais-je réellement confiance en moi ? Avais-je réellement envie de susciter l'attirance chez celui-là ? Avais-je réellement envie de réconforter celle-ci ? Étais-je vraiment amoureuse ? Étais-je vraiment gentille ? Mon sourire était-il vrai ?

 

Je réalisai que, toutes ces années, je n'avais fait qu’exagérer mes sentiments, mes pensées ou mes capacités (tout en cachant mes fragilités) et que j'avais passé ma vie à mentir à de pauvre petits innocents que j'avais idéalisés, flattés, surestimés, utilisés, dans le seul but d’être, en retour, appréciée.

 

Tout ça, parce que je pensais inconsciemment que si on ne m'aimait pas on aurait envie de me tuer.

Et comme j'avais une estime de moi à chier m'empêchant de penser être aimée pour qui j’étais, je préférais, donc, enjoliver la vérité.

 

Séduire c'est avoir peur de se montrer tel qu'on est.

 

J'ai alors compris pourquoi mes couples n'avaient jamais duré (soit parce que ceux que je choisissais ne me plaisaient pas vraiment, soit parce qu'ils se barraient quand ils découvraient la vérité), pourquoi je n'avais jamais cru en moi (coucou le syndrome de l'imposteur), pourquoi je ne m'aimais pas (bah, quand on pense manipuler les autres on se kiffe pas des masses, croyez-moi), pourquoi j’étais tout le temps dans le conflit (pour continuer encore et toujours à gagner), pourquoi toutes mes passions me soûlaient au bout de 3 minutes (je ne les choisissais pas pour moi mais dans le but de les montrer), enfin bref, pourquoi j'avais toujours tout fait foirer.

 

Alors, bien-sûr, tout n'est pas tout noir, je ne suis pas l’horrible personne que j'ai, pendant un temps, pensé  je me servais, évidemment, d'une base de vérité que j’exagérais  mais, n’empêche, que moi qui prônais l’honnêteté (reprocher constamment aux autres de ne pas l’être, aurait, justement, dû me faire tilter), bah, je n'étais, mais alors, pas du tout, honnête, en réalité.

 

J'ai, donc, appris à être vraie.

 

Et punaise, croyez-moi, ce fut long et compliqué.

 

Car, pour ça il a fallu que je me pose, pendant des mois, seule, avec moi-même, et que je m'interroge sur qui j’étais.

 

Quels étaient mes goûts, mes valeurs, mes envies ? Qu'est-ce qui me plaisait ? QUI me plaisait ? Qu'est-ce que je voulais ? Et, surtout, comment sortir de la solution de facilité ? Comment apprendre à accepter je ne pouvais pas obtenir tout ce que je voulais ? Comment apprendre à respecter les autres, leurs limites, leurs envies, ce qui leur plaît ?

 

Il a fallu tout réviser.

 

Bon, bah, c'est du taff, hein, que tu peux faire seule, ou accompagnée, mais je vous promets, au bout d'un moment, ça paie.

 

Et alalala, je ne saurais vous décrire ce qu'on ressent le jour on est finalement aimé pour qui on est...

 

 

Aujourd'hui, j'ai complètement changé. Car aujourd'hui, j'essaie, au maximum, en pleine conscience, de me montrer tout le temps, avec tout le monde, vraie.

Alors, franchement, c'est un peu délicat, car on est très vite tentée de retomber dans ses schémas habituels quand quelque chose (ou surtout quelqu’un) suscite notre intérêt. Pire, on ne se voit même pas le faire parfois, tellement c'est devenu un fonctionnement ancré. Mais on est vigilant et on se rappelle, très vite, que si on l'obtient de cette manière, tout est faussé. Alors on se retient, on se force à se dévoiler, à montrer ses fragilités. Et, petit à petit, son fonctionnement peut réellement changer. 

Et même si le travail n'est pas terminé, aujourd'hui, je crois qu'il est quand même pas mal amorcé.

(Pour vous dire, je me suis même surprise à dire à quelqu’un il y a peu que j’étais en train de le manipuler (proud of myself)).

 

Alors bien-sûr je n'ai pas arrêté pour autant de séduire, dans le sens commun du terme qui sous-entend « charmer ». Bien entendu, j’apprécie encore séduire, volontairement quand c'est un jeu consenti, où chacun sait que l'autre y est entré. Mais aujourd'hui, j'ai compris que ce qui importe vraiment dans le jeu de la séduction, c'est l'intention que l'on y met.

 

Allez, namasté.

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